Soutien abusif et amélioration temporaire

Pas se responsabilité pour soutien abusif en cas d'amélioration temporaire



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CA Grenoble, 21 mai 2015, RG : 12/01066


 

Voici un exemple de circonstances exclusives de toute faute de la part de la banque : l'amélioration temporaire de la situation. Un arrêt intéressant, non pas pour son apport juridico-juridique, mais plus sur l’illustration pratique de la notion de soutien abusif.

Des garanties disproportionnés

Il s’agissait d’une banque ayant poursuivi et accru son soutien à une société qui connaissait de grande difficulté, en étant toujours plus exigeant sur les garanties de son concours et notamment sur le cautionnement du dirigeant. L’hypothèse est des plus classiques.

 

La caution trouvait donc un intérêt majeur à vouloir engager la responsabilité de la banque au titre du soutien abusif, afin de bénéficier de la nullité des garanties. Il recherchait donc la reconnaissance d’un soutien abusif, en invoquant le troisième cas visé par l’article L.650-1 du Code de commerce : les garanties disproportionnées.

 

Restait à démontrer une situation irrémédiablement compromise.

 

Dans ce cas précis, le dernier rapport lors de l’arrêté des comptes faisait état d’une situation très difficile, tout en précisant que : « la situation est suspendue à l’intervention de la banque sur le moyen terme afin de donner à la société les moyens de sortir de cette passe très difficile ».


Pas de situation irrémédiablement compromise

Le rapport du comptable de la société pouvait s’interpréter de deux manières :

  • d’un certain point de vue, on peut le comprendre comme préconisant la poursuite des concours de la banque,
  • d’un autre point de vue, on peut en déduire que le concours de la banque aurait pour effet de faire survivre (artificiellement ?) la société.

 

En tout état de cause, l’appréciation du comptable est que la situation n’est pas irrémédiablement compromise, puisqu’il expose clairement que le soutien financier peut permettre de sortir de cette passe très difficile. Mais, et bien évidemment, le juge n’est pas lié par cette appréciation du comptable.

 

En réalité, ce qui sera déterminant de la solution, ce n’est pas tant le rapport en lui même que ses suites immédiates.

 

La banque a poursuivi son concours et les résultats se sont améliorés, avantt de se dégrader à nouveau jusqu’à la liquidation judiciaire. Ainsi, alors que la société était largement déficitaire au moment du rapport, elle a connu un (très petit) bénéfice lors de l’exercice suivant, après la poursuite des concours de la banque.

 

Cette amélioration, certes insuffisante et de courte durée, établit donc qu’une amélioration était possible et que la situation n’était pas irrémédiablement compromise.

 

Selon nous, cette analyse est solide mais néanmoins insuffisante. Si une amélioration de la situation peut permettre de caractériser rétrospectivement que la situation n’était pas irrémédiablement compromise, encore faut-il que cette amélioration ne soit pas la conséquence artificielle de la poursuite du concours bancaire.

 

En effet, dans l’hypothèse où le concours bancaire aurait un effet mécanique d’amélioration de la situation, alors cette amélioration ne peut suffire à exclure que la situation n’était pas irrémédiablement compromise. L’on peut parfaitement concevoir que le concours bancaire améliorant la trésorerie ait un effet positif à court terme, mais tout en aggravant le passif à moyen et long terme en permettant la survie d’une activité irrémédiablement compromise. C’était toute l’essence du soutien abusif avant l’adoption de l’article L.650-1 du Code de commerce.

 

Nous pensons donc que la Cour aurait été bien inspirée de poursuivre en énonçant que la caution ne démontrait pas en quoi cette amélioration constituerait un effet immédiat et artificiel du concours bancaire.


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