Restitution de l'acompte d'une vente immobilière et liquidation judiciaire

La restitution de l’acompte en cas de procédure collective


Vente immobilière acompte restitution remboursement liquidation judiciaire

Cass. com., 23 septembre 2020, n° 19-15.122



Lorsque l’agent immobilier qui a encaissé l’acompte en qualité de séquestre tombe en procédure collective, il doit néanmoins restituer l’acompte à qui de droit sans que cela ne s’analyse en un paiement d’une créance antérieure. C’est en substance ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 23 septembre 2020, particulièrement important tant les textes pouvaient s’interpréter autrement.

La nature juridique de l’acompte dans une vente immobilière

En matière de vente immobilière (comme au demeurant en matière de vente de fonds de commerce), l’acompte payé par l’acquéreur s’analyse en un séquestre. Le séquestre est défini comme le contrat par lequel une partie remet une chose contentieuse à un tiers, à charge pour ce tiers de la rendre une fois le contentieux levé à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir (article 1956 du Code civil). C’est cette définition qui est retenue, y compris lorsque la chose n’est pas contentieuse au sens strict, mais qu’il s’agit d’un paiement partiel anticipé dans l’attente de la levée de conditions suspensives. Au cas présent, l’acompte a été confié à un agent immobilier qui est tombé en liquidation judiciaire après le versement. Il a donc fallu s’interroger sur la nature de l’obligation de restitution de la part de l’agent immobilier.

 

En effet, l’article L.622-7 du Code de commerce interdit le paiement des créances antérieures de la part de celui qui fait l’objet d’une procédure collective. C’est un pilier de l’égalité entre créanciers dans le cadre de la procédure. Cette interdiction s’applique uniquement aux obligations de payer, mais pas aux obligations de faire. Aussi les acheteurs (qui n’avaient pas acheté finalement car une des conditions n’avait pas été levée) ont plaidé que la restitution de l’acompte était une obligation de faire. Sans valider expressément ce raisonnement, la Cour de cassation a néanmoins décidé que l’interdiction du paiement des créances antérieures ne s’appliquait pas à la question de la restitution de l’acompte reçu en tant que séquestre.

Une protection pour les parties à la vente immobilière

On peut voir dans cette décision une volonté de la jurisprudence de protéger les parties à une vente immobilière ou à une vente de fonds de commerce. D’un point de vue strictement juridique, nous l’avons vu, la question devrait être de savoir si la restitution est une obligation de payer ou une obligation de faire. Or, l’obligation portant sur le versement d’une somme d’argent, il devrait s’agir d’une obligation de payer. La Cour de cassation est d’ailleurs prudente sur le sujet puisque, même si elle énonce que l’article L.622-7 du Code de commerce n’est pas applicable, elle ne dit pas qu’il ne s’agit pas d’une obligation de payer. 


C’est ce qui nous fait dire que la décision se justifie au moins autant en opportunité qu’en droit. Alors qu’elle aurait pu – juridiquement – statuer autrement, c’est sans doute la volonté de protéger les parties à la vente qui a fait pencher la balance. La Cour de cassation s’en cache à peine en justifiant son arrêt par le fait qu’il n’y a pas lieu que, sur la somme déposée en séquestre, les parties se trouvent en concours avec les autres créanciers de l’agent immobilier.



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