Credit immobilier Revirement sur le taux de periode

Crédit immobilier : Revirement sur le taux de période



pret immobilier TEG TAEG

Cass. civ. 1ère, 5 février 2020, n° 19-11.939



C’est une nouvelle décision venant réduire la brèche des contentieux liés au Taux Effectif Global dans les crédits immobiliers. Une Cour d’appel avait annulé la stipulation d’intérêts au motif pris de l’absence de communication du taux de période. La banque a formé un pourvoi. Circonstance exceptionnelle : La Cour de cassation casse non pas sur un moyen soulevé par la banque, mais sur un moyen relevé d’office !

Le relevé d'office et la définition de l'ordre public de protection de l'emprunteur

L’on peut légitimement s’interroger sur le relevé d’office, qui signifie que le juge décide, de lui-même, d’invoquer un argument qui n’a pas été soulevé par les parties. Certes, ce relevé d’office est permis par l’article R.632-1 du Code de la consommation. Toutefois, l’esprit du relevé d’office en droit de la consommation semble quelque peu écorné. Le relevé d’office intervient historiquement et traditionnellement sur des questions qui touchent à l’ordre public. L’ordre public dépasse le seul intérêt des parties et cela justifie que le juge ait une ingérence dans l’énoncé des termes du litige. La question s’est complexifiée à l’avènement de l’ordre public dit de protection. L’on s’est longtemps interrogé sur la question de savoir si le juge pouvait ou même devait relever d’office des règles d’ordre public de protection, et ce pour garantir la protection d’une personne qui, par ignorance, omettrait de l’invoquer. L’article R.632-1 devait, selon nous, se lire dans cette veine. Aussi, est-il légitime que le juge relève d’office un moyen relevant de l’ordre public de protection contre la personne censée être protégée ? C’est à tout le moins discutable.



Le taux de période privé de toute sanction

Quant au fond, la solution nous semble au moins autant contestable. La Cour de cassation énonce d’une part que le taux de période doit faire l’objet d’une communication à l’emprunteur et que le défaut de communication peut emporter la déchéance du droit aux intérêts. Mais elle poursuit d’autre part en exposant qu’il ne peut y avoir de déchéance si le TEG est exact ou si l’inexactitude du TEG est inférieure à la décimale. Concrètement, la Cour de cassation vide de toute sa substance l’obligation de communiquer le taux de période. Soit le consommateur démontre une erreur de plus d’une décimale dans le TEG et la déchéance se justifie par l’erreur de TEG. Soit il ne la démontre pas et il n’y a pas de déchéance. Peu importe finalement que le taux de période ait été communiqué. En définitive, la Cour de cassation prive de toute sanction et donc de toute portée un texte qui, pourtant, est d’ordre public. C’est plus que regrettable et il ne serait pas inique que certaines Cours d’appel résistent à cette évolution.

Un impact limité compte tenu de la réforme du TEG en TAEG

Malgré tout, la portée de cette décision est finalement assez faible. Le taux de période a disparu du crédit immobilier depuis octobre 2016. Compte tenu des règles de prescription et de l’évolution législative, la solution est donc éminemment périssable. En définitive, ce sont les contentieux en cours qui sont impactés, et c’est encore là une critique à cette décision. Les emprunteurs ont formulé des contestations parfaitement fondées au regard du droit et de la jurisprudence au moment où elles ont été énoncées. Toutefois, en cours de procédure et parfois des années après que la contestation ait été émise, un revirement vient changer la donne. Cela pose, à nouveau, le problème de la rétroactivité de la jurisprudence lorsque celle-ci instaure ou modifie substantiellement une règle de droit. L’impératif de sécurité juridique qui participe à la notion même d’Etat de droit devrait conduire à moduler les effets dans le temps de cette jurisprudence. Mais les conditions de cette modulation sont telles qu’elle est rarement admise.

Share by: